Parole à Christophe Bacot, E.Leclerc Verdun

Retour d’expérience

Les études doivent être statistiques, les études empiriques, c’est fini

 

Que pensez-vous des études de marché en règle générale ?

Des études de marché, on en fait essentiellement, voire exclusivement, pour les ouvertures de magasins. Il s’avère, aujourd’hui, le paysage ayant grandement changé, que nous les trouvons dans 80% des cas à la limite de la fiabilité. Lorsqu’on regarde de plus près les derniers Hyper qui ont ouvert, nous nous rendons compte que ce n’est pas toujours bon et c’est encore plus vrai pour les Drive.

Ce qu’on recherche beaucoup plus, ce sont les études au niveau global. Des études qui nous donnent des informations sur les évolutions de marché, sur ce qu’attendent les clients. C’est bien cela qui nous intéresse véritablement aujourd’hui. Par exemple, personne ne nous a proposé pour l’instant des études de marché qui pourraient nous permettre d’analyser l’évolution de nos sites, alors que cela nous semblerait tout à fait intéressant.

 

On peut donc dire qu’aujourd’hui vous avez des attentes en terme de diagnostic ?

On sait faire beaucoup de choses dans nos magasins. Mais on n’a pas forcément les outils pour faire de vraies analyses géomarketing, pour savoir ce qui se passe dans sa zone, l’impact de la politique de mon concurrent sur mon chiffre d’affaires, etc. On a été longtemps dans une période où, à part les prospectus, nous n’avions aucun moyen d’agir sur nos clients. L’évolution est telle qu’aujourd’hui nous disposons de beaucoup d’outils qui nous permettent d’agir littéralement sur différentes zones et c’est cela qui nous intéresse. Nous devons pouvoir nous dire : telle zone est en chute chez nous, tel concurrent agrandit mettant notre zone en chute, il faut donc que nous réagissions, ou telle zone est au contraire en pleine progression, comment comprendre les mécanismes de cette progression ? Prenons le cas par exemple de la boucherie trad, un concurrent l’a mise en place dans son magasin alors qu’il n’en avait pas, cela va-t-il faire bouger mon chiffre ? Étant seul auparavant sur ce créneau, les clients de la zone de ce concurrent me fréquentaient, vais-je désormais perdre du chiffre sur cette zone-ci ? Ça m’intéresse. Les études doivent être statistiques, les études empiriques j’en ai trop vu, c’est fini.

 

Concrètement, aujourd’hui, il s’agit de pouvoir analyser zone par zone et marché par marché, la variation du chiffre d’affaires ? Évaluer son potentiel ?

Globalement, on sait tout mesurer en termes de chiffre d’affaires, ce qu’on touche en plus, ou en moins. Par contre, autant on est très fort dans ce côté back office marchandise, autant aujourd’hui on n’a pas de back office clients pointu. En terme de potentiel il faut aller plus loin dans l’analyse, et malheureusement nous ne disposons pas aujourd’hui des outils nécessaires pour mesurer par
quartier ces choses-là.

 

Aujourd’hui avez-vous la possibilité d’avoir des outils qui peuvent analyser le comportement de vos non-clients ?

Non.

 

Est-ce que pour vous ce type de réponses doit provenir d’une étude qu’on pourrait définir comme étant scientifique, une étude de marché, avec des chiffres et des données, ou par une enquête non-clients auxquels on donnerait la parole ?

Non, non elle doit être purement scientifique, le non-client n’est pas notre priorité. Notre priorité c’est le client qui ne vient pas régulièrement. Il y a une phrase qui dit « ça coûte 10 fois moins cher de faire venir un client qui est déjà venu, que d’en attirer un nouveau ». Pour faire venir un nouveau client, il faut le convaincre, par contre on a des clients qui viennent entre 1 et 45 fois par an. Il faut plutôt qu’on s’occupe des clients qui ne viennent qu’entre une et 10 fois, plutôt que ceux qui ne viennent pas. Le client qui vient 3 fois par mois, comment le faire venir 4 ? Ça c’est notre vrai business.

 

Cela signifie donc pour vous que les outils liés à la performance doivent être centrés sur le client plus que sur le non-client ?

Oui, oui tout à fait. Si j’étais en période d’ouverture, je dirais qu’il faut que je sache pourquoi les clients ne viennent pas, mais concernant les magasins qui ont quand même un certain âge, ou une certaine expérience, le client qui n’est pas venu au bout de 20 ans dans un magasin, pour le refaire venir à nouveau il va vraiment falloir qu’il se passe quelque chose. Par contre celui qui vient que 3 fois par mois parce qu’il trouve le magasin trop gros, ou trop grand, ou pas bien rangé, il faut que j’arrive à le convaincre, par différents moyens. En moyenne un client vient 5 fois par mois, or beaucoup de nos clients ne viennent que 2 ou 3 fois, pourquoi ? Est-ce qu’ils sont loin de mon magasin ? Ce serait donc pour ça qu’ils fréquentent moins mon point de vente. Est-ce qu’ils ne veulent pas perdre de temps ? Est-ce qu’ils n’achètent pas leurs fruits et légumes chez moi parce qu’ils ne sont pas beaux ? C’est ce qui m’intéresse dans une étude. Parce que ça, moi, je ne sais pas le faire.

 

Pensez-vous qu’aujourd’hui il faille faire évoluer les baromètres clients ?

Je pense, oui. Nos clients, on les connait, globalement on sait pourquoi ils ne viennent pas. Si je ne suis pas bon en fruits et légumes, je le sais. Si j’ai un concurrent dans ma ville avec un magasin de 10 000m² qui fait du jardinage, forcément je ne suis pas très bon en jardinage, du coup je réduis ma surface parce que j’ai ce concurrent. On connait suffisamment nos sites et nos clients maintenant, on a plus besoin que les clients nous parlent pour savoir pourquoi nous ne sommes pas bons. Si le chiffre n’est pas bon c’est parce que le client n’est pas content, ce n’est pas compliqué. On a tout ce qu’il faut en termes de chiffres aujourd’hui, de comparaison, d’analyse, le client va normalement nous dire ce que l’on sait déjà. Donc l’étude de table ronde, pourquoi pas sur des nouveaux marchés, sur des dossiers très pointus ou sur des ouvertures, mais sur des magasins qui ont 15 ou 20 ans, cela nous semble inutile.

 

Nos enquêtes sur les non-clients et clients perdus montrent que certains freins à la fréquentation sont identifiables, comme le niveau de service ou l’accueil. Avez-vous une perception de ces attentes ?

Oui tout à fait, on le sait. Le client va toujours nous dire que c’est trop cher, que les toilettes ne sont pas propres. Il va toujours nous dire les mêmes choses. Des études clients, on en a vu des dizaines, des centaines, on en fait 2 par an dans nos magasins. C’est toujours la même chose qui ressort toujours les mêmes remarques, les mêmes réflexions. Bien sûr, cela permet malgré tout que le client nous conforte dans notre idée ou de confirmer des doutes. Les adhérents commandent une étude quand ils ne sont pas sûrs, pour vérifier. Mais l’étude clients n’est pas là pour faire de la prospective.

 

Aujourd’hui, le secteur doit-il évoluer sur son offre d’enquête client ? Existe-t’il certains types d’enquêtes que vous utilisez vous-même ?

Les clients mystères ou l’étude de perception du client sont des outils que l’on pratique 2 fois par an. Mais ces études sont tellement empiriques que les magasins les plus beaux sont parfois mal classés, et les magasins les plus vilains les mieux classés. Cela s’explique par le fait que dans une ville où il n’y a pas du tout de concurrents, le client n’a pas la même perception du tout de son magasin que dans une ville où il y en a un bon nombre. Le meilleur marketing, ou le meilleur merchandising c’est de faire un tour dans son magasin le samedi soir et de voir dans quel état il est. Donc ça existe bel et bien, mais ça demanderait à être amélioré !

 

Christophe Bacot
E.Leclerc Verdun
Accéder au site du magasin